40. Extrait du TTA150, le manuel des sous-officiers


 




«Aujourd’hui comme hier, en ville autant qu’à la campagne, le peuple accourt encore au spectacle d’une troupe en marche. Les années qui passent n’empêchent nullement les Parisiens d’assister nombreux aux défilés du 14 juillet, ni les Provinciaux de se presser sur les places des villages dès qu’un uniforme apparaît. Rien n’efface cette attirance des citoyens vers ceux de leurs enfants qui assurent la défense de la nation par les armes. Cet attrait des défilés ne laisse pas de surprendre alors que tout entraîne le peuple vers des distractions plus faciles. En réalité, le cérémonial militaire atteint le tréfonds national.

(…)

Selon le règlement, « I ‘école du soldat enseigne les mouvements individuels, sans arme, qui donnent à l’homme l’attitude martiale et l’allure dégagée et lui permettent de tenir sa place dans une troupe en ordre serré ». Cette définition, claire dans son contenu, est cependant limitée à l’aspect formel des gestes et doit être complétée. La valeur éducative de l’école du soldat est, en effet, irremplaçable pour la formation morale. Elle est le reflet de la discipline dans le domaine des attitudes. Elle précise des comportements compatibles avec les règlements militaires à l’intention de tous, quels que soient le grade et la fonction. En s’adressant à l’ensemble des personnels, elle met en lumière l’égalité de tous devant la règle.

Dans sa forme, elle est un code ; dans son esprit, elle est la marque de la courtoisie, de la fraternité et de la fidélité. À cet égard, rien ne peut mieux illustrer cette double signification que le salut.

Le salut est chargé d’une signification que ne soupçonnent généralement pas tous ceux qui le pratiquent. Disons, tout de suite, qu’il n’est en rien une marque de subordination et qu’il suffit de remonter le cours des âges pour s’apercevoir qu’il est tout autre chose.

Du temps des Grecs et des Romains, deux guerriers qui se rencontraient, sans intention hostile, levaient la main droite, paume largement ouverte, afin de montrer qu’ils n’y tenaient pas d’armes. C’était un geste de fraternité. Au Moyen Âge, la signification du salut évolue avec l’introduction d’un brin de courtoisie. Avant de se mesurer en combat singulier, deux chevaliers portaient la main droite à la hauteur du heaume, afin de lever la visière et de montrer leur visage à l’adversaire. Le regard prenait, dans le salut, la valeur primordiale de la courtoisie qu’il ne devait plus jamais perdre.

Au XVIIIe siècle, un troisième symbole apparaît : celui de la fidélité. Désormais, lorsque deux militaires se rencontrent, quel que soit leur grade, tous deux ont à cœur de se faire souvenir l’un et l’autre de l’obligation commune qu’ils ont envers le drapeau, en levant la main droite vers le ciel. En le réalisant, ils ne font que se rappeler leur fidélité à un idéal commun. Fraternité, courtoisie, fidélité, telles sont les valeurs que les générations passées ont attribuées au salut.

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Le cérémonial militaire affirme publiquement la discipline et l’éducation militaires ‘une unité. Il développe la confiance réciproque chez les cadres et les soldats en les rapprochant dans des occasions déterminées.

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Ici encore, et comme pour le salut, des valeurs profondes se cachent derrière la présentation formelle d’un piquet d’honneur, d’une compagnie, d’un régiment ou d’une promotion.

Le cérémonial revêt une certaine beauté qui repose sur la rigueur et la cohésion. L’une et l’autre forgent le caractère et le sentiment d’appartenance à une même communauté.

Une sensation de puissance se dégage du silence et des regards d’une troupe sous les armes qui exécute les ordres de son chef avec précision, énergie et force. Une impression de cohésion ressort d’une unité qui manifeste collectivement son esprit de corps pour rendre hommage aux symboles de la communauté nationale.

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Nous sommes loin de l’opinion de ceux qui ne voient dans l’ordre serré qu’une école d’asservissement et de matraquage de la personnalité. En réalité, le soldat avec ou sans arme, dans les mouvements individuels ou collectifs, s’exprime non seulement avec des gestes, mais également avec sa personnalité, voire avec son âme.

En définitive, la beauté des gestes ne va pas sans la noblesse de l’inspiration. Les profanes aussi bien que les initiés ne cessent de s’interroger sur le secret qui anime une troupe en ordre serré. En fait, ils en devinent plus ou moins la clé ; car ils savent qu’un salut franc et loyal, qu’un maniement d’armes précis et énergique sont toujours l’expression d’une certaine vigueur intérieure.

C’est cela qui donne toute sa dignité au soldat sous les armes. »

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